Sans aucune information préalable sur le film et en regardant mes 30 secondes réglementaires de bande-annonce, j’ai tout de
suite pensé « Uuuurrh ! Un énième film américain bien
manichéen dans lequel les problèmes et les méchants viennent de l’étranger.
Encore une histoire de drogue assaisonnée d’une bonne dose de
violence dont les États-Unis vont sortir en héros délivrant le
peuple du mal.
Si vous étiez
également réticents (à supposer que vous n'ayez pas regardé dans son intégralité la bande-annonce officielle qui dévoile grosso modo tout le film, et à supposer encore que vous ignoriez comme moi, que le film avait été nominé pour la Palme d'Or au festival de Cannes), détrompez-vous, car la perspective du film
n’est pas du tout celle qu’il y parait.
Il s’agit bien
d’américains se battant pour démanteler un cartel de drogue
mexicain mais pour autant, on est loin du stéréotype classique du
bon gros film d’action à l’américaine et le film prend assez
vite une tournure inattendue, laissant le spectateur (ou en tous cas
moi) absorbé et aussi circonspect et désemparé que son héroïne.
Très bien réalisé,
le film captive, la musique remplit
son rôle à merveille, Emily Blunt (qui ne nous le cachons pas, a
pesé lourd dans la balance quand il s’est agi de choisir le film)
est à la hauteur de sa réputation. Les autres acteurs sont
d’ailleurs tous impeccables. On m'indique même dans l'oreillette que Benicio Del Toro a été récompensé d'un Hollywood Film Award pour sa performance. J'ai eu pour ma part une petite pensée pour Victor Garber qui sera
toujours pour moi Monsieur Andrews remettant sa pendule à l’heure
dans Titanic, ce qui m’a un peu fait sourire dans cette histoire
très sombre à l'atmosphère tendue.
En somme, un film
puissant que je recommande sans réserve.
Si vous en voulez
plus, poursuivez la lecture après cet avertissement: attention spoiler.
Sicario dépeint, je
le crains, une image assez réaliste de la situation, tant des ravages des cartels au Mexique que de ceux des méthodes
d’investigation des États-Unis, avec toutefois la légère
illusion que tout ceci ne se passe qu’en dehors de leur
territoire. C’est aussi ce qui le rend très intéressant de mon
point de vue.
On vit vraiment le film au travers de cette héroïne dupée, brisée et
impuissante jusqu’au bout, à qui l'on dit que le seul moyen
d’arrêter un tel fléau est de recourir aux méthodes mêmes que
l’on se bat pour éradiquer et de devenir un adversaire aussi
monstrueux que celui que l’on combat.
À la fin reste une
question : quelle est la raison pour laquelle l’héroïne ne
tire pas quand elle en a l’occasion ? Est-elle simplement incapable de commettre un meurtre de sang froid hors du
cadre de la légitime défense et de s’abaisser au
niveau de l’« ennemi » dévoilé, est-ce la peur des
conséquences d’un tel acte (sur la mission, sur sa
carrière, sa liberté, voire sa vie) qui la retient, ou bien admet-elle que sa
cible est finalement un mal nécessaire ?
Quoi qu’il en
soit, voilà un film qui donne à réfléchir sur les vertus et les
limites de la droiture, sur le poids de la fatalité et le sens de la
vengeance.