mercredi 21 octobre 2015

Sicario



Sans aucune information préalable sur le film et en regardant mes 30 secondes réglementaires de bande-annonce, j’ai tout de suite pensé « Uuuurrh ! Un énième film américain bien manichéen dans lequel les problèmes et les méchants viennent de l’étranger. Encore une histoire de drogue assaisonnée d’une bonne dose de violence dont les États-Unis vont sortir en héros délivrant le peuple du mal.

Si vous étiez également réticents (à supposer que vous n'ayez pas regardé dans son intégralité la bande-annonce officielle qui dévoile grosso modo tout le film, et à supposer encore que vous ignoriez comme moi, que le film avait été nominé pour la Palme d'Or au festival de Cannes), détrompez-vous, car la perspective du film n’est pas du tout celle qu’il y parait.
Il s’agit bien d’américains se battant pour démanteler un cartel de drogue mexicain mais pour autant, on est loin du stéréotype classique du bon gros film d’action à l’américaine et le film prend assez vite une tournure inattendue, laissant le spectateur (ou en tous cas moi) absorbé et aussi circonspect et désemparé que son héroïne.

Très bien réalisé, le film captive, la musique remplit son rôle à merveille, Emily Blunt (qui ne nous le cachons pas, a pesé lourd dans la balance quand il s’est agi de choisir le film) est à la hauteur de sa réputation. Les autres acteurs sont d’ailleurs tous impeccables. On m'indique même dans l'oreillette que Benicio Del Toro a été récompensé d'un Hollywood Film Award pour sa performance. J'ai eu pour ma part une petite pensée pour Victor Garber qui sera toujours pour moi Monsieur Andrews remettant sa pendule à l’heure dans Titanic, ce qui m’a un peu fait sourire dans cette histoire très sombre à l'atmosphère tendue.

En somme, un film puissant que je recommande sans réserve.

En revanche je ne vous cache pas que ce n’est pas gai, voire à tendance assez violente. Âmes sensibles s’abstenir.

Si vous en voulez plus, poursuivez la lecture après cet avertissement: attention spoiler.



Sicario dépeint, je le crains, une image assez réaliste de la situation, tant des ravages des cartels au Mexique que de ceux des méthodes d’investigation des États-Unis, avec toutefois la légère illusion que tout ceci ne se passe qu’en dehors de leur territoire. C’est aussi ce qui le rend très intéressant de mon point de vue.

On vit vraiment le film au travers de cette héroïne dupée, brisée et impuissante jusqu’au bout, à qui l'on dit que le seul moyen d’arrêter un tel fléau est de recourir aux méthodes mêmes que l’on se bat pour éradiquer et de devenir un adversaire aussi monstrueux que celui que l’on combat.

À la fin reste une question : quelle est la raison pour laquelle l’héroïne ne tire pas quand elle en a l’occasion ? Est-elle simplement incapable de commettre un meurtre de sang froid hors du cadre de la légitime défense et de s’abaisser au niveau de l’« ennemi » dévoilé, est-ce la peur des conséquences d’un tel acte (sur la mission, sur sa carrière, sa liberté, voire sa vie) qui la retient, ou bien admet-elle que sa cible est finalement un mal nécessaire ?

Quoi qu’il en soit, voilà un film qui donne à réfléchir sur les vertus et les limites de la droiture, sur le poids de la fatalité et le sens de la vengeance.